Chantiers et biodiversité : Comprendre la réglementation et les impacts

14/05/2025

La prise en compte de la biodiversité sur les chantiers est devenue une exigence incontournable pour les professionnels du bâtiment. En France, la réglementation impose une vigilance particulière afin de protéger les espèces animales et végétales, ainsi que leurs habitats. Cette démarche s'inscrit dans le cadre du principe "éviter, réduire, compenser" (ERC) inscrit dans l’article L110-1 du Code de l’environnement. 

LES IMPACTS D’UN CHANTIER SUR LA BIODIVERSITÉ 

Les chantiers de construction peuvent avoir des impacts significatifs sur la biodiversité. Ils perturbent les habitats naturels des espèces. En voici quelques exemples :  

  • La base vie : pollution lumineuse, perturbation/refuge involontaire d’espèces ;
  • La circulation et les flux : compactage des racines, pollution ;
  • Les engins et grus : nuisances sonores et lumineuses ;
  • Les mouvements de terre : écrasement, dissémination d’espèces invasives, pollution ;
  • Les zones de stockage (matériaux et produits dangereux) : pollution, pièges pour les espèces. 

ESPÈCES PROTÉGÉES : UNE VIGILANCE ACCRUE 

Le Code de l’environnement (articles L.411-1 et suivants) interdit toute atteinte aux espèces protégées, qu'elles soient animales ou végétales.  

À ce titre, il est formellement interdit pour les espèces animales de :

  • Prélever ou détruire leurs nids et leurs œufs ;

  • Capturer, blesser ou tuer des individus appartenant à ces espèces, de manière volontaire ou non ;

  • Conserver des spécimens à des fins de taxidermie ou de collection ;

  • Déranger intentionnellement les animaux, en particulier durant les phases sensibles de leur vie comme la reproduction ;

  • Commercialiser, transporter, acquérir, vendre ou utiliser des animaux protégés, qu’ils soient vivants ou morts ;

  • Dégrader, modifier ou supprimer les milieux naturels essentiels à leur survie, non seulement en raison de leur importance écologique, mais aussi parce qu’ils hébergent ces espèces en danger.


Les lieux concernés par cette protection peuvent être :

  • Des milieux naturels comme les zones humides, haies, landes, dunes, pelouses, mangroves, récifs, etc., qui sont généralement peu modifiés par l’homme ;

  • Des milieux artificiels ou construits tels que bâtiments, anciennes carrières, mines désaffectées, clochers, terrils ou autres structures, lorsque ceux-ci servent de refuge aux espèces protégées. 

En ce qui concerne les espèces végétales, il est interdit de :

  • Cueillir, couper, arracher ou endommager ces plantes, que ce soit sous forme de feuilles, fleurs, fruits, graines ou toute autre phase de leur cycle.

  • Transporter, vendre, acheter ou utiliser ces végétaux, quelles que soient les circonstances ;

  • Détenir des spécimens prélevés directement dans la nature ;

  • Détruire ou détériorer les habitats naturels qui leur permettent de se développer.

Les espèces fréquemment rencontrées sur les chantiers incluent les hirondelles de fenêtres, les martinets noirs, les chauves-souris, ainsi que certaines espèces végétales protégées. Ces dernières peuvent se trouver dans des habitats naturels tels que les haies, les mares ou les landes, mais aussi dans des environnements bâtis comme les greniers, les combles ou les façades.

 

RESPONSABILITÉS LÉGALES ET SANCTIONS 

Le maître d’ouvrage porte la responsabilité de la conformité du projet avec la réglementation environnementale. Il doit s'assurer que toutes les démarches nécessaires sont entreprises, y compris l'obtention de dérogations en cas d'impact inévitable sur des espèces protégées. Il est également tenu de compenser les atteintes à la biodiversité, par exemple en réhabilitant des habitats ou en créant de nouvelles zones naturelles. Les sanctions en cas de non-respect peuvent aller jusqu'à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende, voire 7 ans et 750 000 € en cas de destruction "en bande organisée". Retrouvez la liste des textes réglementaires répertoriant les espèces protégées sur le site de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN). 

ÉTAPES CLÉS POUR UNE GESTION RESPECTUEUSE DE LA BIODIVERSITÉ 

1. Diagnostic écologique préalable 

Avant le démarrage des travaux, il est essentiel de réaliser un diagnostic écologique. Ce dernier permet d'identifier la présence d'espèces protégées et d'évaluer l'état des habitats. Il doit être effectué par un écologue selon un protocole adapté aux périodes sensibles des espèces concernées.  

2. Intégration des préconisations dans le projet 

Les résultats du diagnostic doivent être intégrés au cahier des charges et au dossier de consultation des entreprises. Cela inclut des mesures concrètes telles que la délimitation de zones sensibles, la planification des travaux en fonction des périodes de reproduction ou d'hibernation et la mise en place de protections physiques autour des habitats identifiés. 

Par exemple, dans le cadre de l’opération Moulin du Bois menée par les équipes d’ALTERESCO, filiale du groupe ALTYN, des chauves-souris ont été découvertes en façade à la suite d'un diagnostic de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Des nichoirs ont alors été mis en place afin d'accueillir les chauves-souris. 

3. Formation et sensibilisation des équipes 

Il est crucial de désigner un référent biodiversité au sein du chantier. Ce dernier assurera la formation des équipes, veillera au respect des mesures de protection et servira de point de contact pour toute question relative à la biodiversité.  


LES DÉROGATIONS : POURSUIVRE SON CHANTIER EN PRÉSERVANT LA BIODIVERSITÉ  

Il existe des dérogations spécifiques permettant de poursuivre un chantier tout en préservant la biodiversité, notamment pour les espèces protégées. Ces dérogations, encadrées par la loi, permettent de réaliser des travaux même si des espèces protégées sont présentes sur le site, sous certaines conditions strictes. En effet, des mesures compensatoires doivent être mises en place, telles que la relocalisation des espèces, l’aménagement d’espaces naturels ou la mise en œuvre de techniques de construction qui limitent les impacts sur les habitats. Ces autorisations sont accordées uniquement après une étude d'impact approfondie et lorsque les projets respectent des critères environnementaux rigoureux, garantissant que la biodiversité soit protégée autant que possible tout au long de la durée des travaux. 

La réglementation relative à la biodiversité sur les chantiers impose une approche proactive et informée. En anticipant les enjeux écologiques, en intégrant les préconisations adaptées et en sensibilisant les équipes, il est possible de concilier développement des infrastructures et préservation de la biodiversité. Cette démarche, au-delà de répondre à une obligation légale, reflète un engagement en faveur d'un urbanisme durable et respectueux de l'environnement.