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L'autoconsommation collective (ACC) connaît une croissance fulgurante en France. De seulement six opérations recensées en 2018, on dénombre aujourd'hui 428 projets actifs et 625 autres à l'étude en mai 2024. Ce dynamisme se traduit par l'implication de 727 producteurs et 4 776 consommateurs, pour une puissance totale de production de 33 619 kVA.
Ce décollage s'est amorcé entre 2021 et 2022, avec un doublement annuel du nombre de projets, favorisé par un cadre législatif progressivement mis en place depuis 2016 et renforcé par les lois sur l'énergie. La crise énergétique et la flambée des prix de l'électricité ont également joué un rôle majeur, incitant les acteurs à rechercher une plus grande visibilité sur leurs coûts énergétiques. L'ACC apparaît ainsi comme une solution permettant de bénéficier de prix de l'électricité plus stables et légèrement inférieurs aux tarifs régulés, tout en réduisant une partie du tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe).
Initialement portée par les collectivités locales souhaitant valoriser leurs toitures, l'ACC voit désormais l'émergence de projets multiacteurs impliquant des bailleurs sociaux, des entreprises et des zones d'activité économique. La maille géographique des projets s'est également élargie, passant d'une logique de raccordement au même poste de distribution à des zones de 2, 10 ou 20 kilomètres selon la densité de population. Cette évolution a permis d'augmenter la puissance des opérations, passant de quelques dizaines ou centaines de kilowatts à des projets approchant le plafond de 3 MW, désormais relevé à 5 MW, voire 10 MW sous dérogation.
Si le photovoltaïque reste majoritaire en nombre de projets, l'hydroélectricité commence à prendre une place significative en termes de puissance et l'éolien montre un intérêt croissant pour l'ACC, ce qui pourrait considérablement augmenter la taille des projets. Cependant, les plafonds de puissance actuels freinent le développement de projets éoliens de plus grande envergure.
Tous les acteurs s'accordent sur la pérennisation et l'amplification de cette dynamique. L'autoconsommation collective, qui ne représente aujourd'hui qu'une faible part du solaire raccordé, pourrait atteindre 5 à 10 % grâce au développement du photovoltaïque hors sol et aux obligations de solarisation. Selon les projections, l'ACC pourrait représenter une part considérable du parc solaire hors sol d'ici 2028.
Un modèle encore complexe mais en voie de simplification
Malgré son essor, l'autoconsommation collective reste un modèle complexe impliquant de nombreux acteurs et nécessitant la gestion de contrats et de facturations multiples. La numérisation apparaît comme une solution clé pour anticiper l'augmentation du nombre d'opérations et réduire les coûts de gestion. Des outils numériques sont en développement pour faciliter la mise en relation entre producteurs et consommateurs.
La consolidation du modèle économique est également cruciale. Si la crise énergétique a initialement attiré les acteurs, la récente baisse des prix de l'électricité nécessite de trouver un équilibre garantissant la rentabilité pour les producteurs et l'intérêt financier pour les consommateurs sur le long terme. La fin progressive de l'Arenh (Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique) pourrait d'ailleurs rendre l'ACC encore plus avantageuse en stabilisant les prix pour les consommateurs.
L’autoconsommation collective, une solution pour répondre aux nouvelles mesures réglementaires
Plusieurs évolutions réglementaires récentes et à venir devraient donner un nouvel élan à l'autoconsommation collective, notamment dans un contexte de baisse des soutiens publics au photovoltaïque.
L'arrêté du 21 février 2025 est une mesure clé. En relevant significativement les seuils de puissance des opérations d'ACC (jusqu'à 5 MW, voire 10 MW sous dérogation), il ouvre la voie à des projets de plus grande envergure. Cela permet d'intégrer des moyens de production plus importants, comme des parcs éoliens ou des centrales hydroélectriques de taille significative. De plus, cette évolution encourage de nouveaux acteurs, tels que les foncières soumises à des obligations de solarisation de leurs bâtiments et parkings, à se tourner vers l'ACC pour valoriser l'électricité produite sur leurs sites.
La loi de finances pour 2025 introduit deux mesures importantes. La première est la baisse de la TVA à 5,5 % pour les installations photovoltaïques de petite taille (inférieures à 9 kWc) à partir du 1er octobre 2025. Cette mesure vise à inciter au développement d'installations plus grandes chez les particuliers et les petites entreprises, qui pourront ensuite revendre leur surplus de production dans le cadre d'une opération d'ACC. La seconde mesure est l'exonération d'accise sur l'électricité pour les opérations d'ACC concernant les centrales de moins de 1 MW. Cette exonération représente une baisse significative de la facture d'électricité pour les consommateurs (environ 25 %), rendant l'ACC encore plus attractive économiquement et facilitant l'établissement d'accords de prix entre producteurs et consommateurs.
La baisse annoncée du tarif d'achat S21 pour le photovoltaïque, qui pouvait jusqu'à présent servir de filet de sécurité pour les producteurs, pourrait paradoxalement bénéficier à l'ACC. Face à une rentabilité potentiellement réduite de la vente au réseau, l'autoconsommation collective apparaît comme une alternative intéressante pour valoriser l'électricité produite localement, en la vendant directement à des consommateurs voisins et en bénéficiant de coûts de réseau réduits (Turpe). Les acteurs soumis à des obligations de solarisation (parkings, bâtiments tertiaires) pourraient ainsi privilégier l'ACC pour optimiser la rentabilité de leurs investissements solaires.
Cependant, la licence de fourniture demandée aux producteurs reste un point de friction, en particulier pour les petits projets d'ACC. Cette obligation administrative représente un coût supplémentaire qui peut freiner le développement de ces initiatives locales. Une clarification réglementaire sur ce point est donc attendue pour lever cet obstacle.
L’autoconsommation collective est en passe de devenir un modèle de valorisation de l'électricité de plus en plus pertinent, notamment face à la baisse des soutiens publics au photovoltaïque. Les évolutions réglementaires récentes et à venir, combinées à la prise de conscience des avantages économiques et environnementaux, devraient amplifier son développement. L'objectif pour les acteurs est de maximiser l'autoconsommation et de répartir le surplus localement, créant ainsi de véritables "oasis énergétiques" et réduisant la dépendance au réseau traditionnel. Le pilotage des consommations, le stockage et la recharge intelligente des véhicules électriques sont autant de pistes pour optimiser la rentabilité de ces projets et accompagner cette transition énergétique locale.