Etat des lieux pour la première échéance du Décret Tertiaire : retours OPERAT

28/02/2025

Le Décret Tertiaire, inscrit dans la loi ÉLAN de 2018, impose une réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² à horizon 2030, 2040 et 2050. La première déclaration, fixée au 30 septembre 2022, a marqué une étape importante avec l’obligation pour les assujettis de renseigner leurs consommations sur la plateforme OPERAT de l’ADEME. Cette première échéance a permis de dresser un état des lieux du parc tertiaire français en matière de performance énergétique et de conformité réglementaire.

 

Bilan de la première échéance : taux de conformité et difficultés rencontrées

1. Le niveau de déclaration sur OPERAT


Le premier bilan, qui s’étend de 2022 à début 2024, révèle plusieurs enseignements sur le taux de déclaration et l’utilisation de la plateforme OPERAT : 

  • Taux de déclaration : échéance du Décret Tertiaire46 % de la surface totale du parc tertiaire a fait l’objet d’une déclaration sur OPERAT pour l’année 2021, soit environ 571 millions de m² sur un total estimé à 1,2 milliard de m² de surface tertiaire en France.
  • Nombre de déclarations : jusqu’à 2022, près de 740 000 déclarations de consommation ont été effectuées, avec un taux de validation de 76 %.
  • Entités fonctionnelles assujetties (EFA) : en 2022, 81 % des EFA disposaient déjà d’au moins une déclaration de consommation, mais 19 % des assujettis n’ont toujours pas déclaré leurs consommations.
  • Répartition géographique : les métropoles de Paris, Aix-Marseille, Lyon et Lille concentrent la majorité des surfaces déclarées, représentant environ 60 % du total des surfaces enregistrées.

2. Les principaux freins à la conformité 

L’analyse des déclarations met en évidence plusieurs difficultés :

  • Identification des assujettis : de nombreux acteurs ignorent encore leur obligation, notamment dans le cadre de bâtiments à usages mixtes ou en copropriété tertiaire. Cette méconnaissance peut être attribuée à un manque de communication ou à la complexité des situations d’occupation.
  • Collecte des données : l’hétérogénéité des contrats énergétiques, le manque d’historique ou la difficulté d’accès aux compteurs compliquent la déclaration des consommations. Les assujettis doivent souvent naviguer à travers des systèmes de gestion de l’énergie disparates, ce qui peut ralentir le processus de déclaration.
  • Complexité des obligations : la diversité des situations (multi-locataires, changements d’exploitants, modes de chauffage variés) crée des incertitudes sur la méthodologie à adopter. Les assujettis doivent souvent faire face à des cas spécifiques qui ne sont pas toujours couverts par les guides existants.
  • Utilisation de la plateforme : bien que performante, la plateforme OPERAT a nécessité une période d’adaptation pour les utilisateurs, notamment pour la vérification des données.

 

Perspectives et recommandations

Pour atteindre les objectifs de réduction des consommations énergétiques fixés par le Décret Tertiaire, plusieurs actions peuvent être mises en place :

  • Sensibilisation et formation : renforcer la sensibilisation des acteurs du secteur tertiaire aux enjeux de la performance énergétique et aux obligations réglementaires. Des campagnes d’information et des formations spécifiques peuvent aider à mieux comprendre les exigences et les meilleures pratiques.
  • Accompagnement renforcé : aider les assujettis à mieux comprendre leurs obligations via des formations et des solutions d’accompagnement personnalisé. L’ADEME et d’autres organismes peuvent jouer un rôle clé en fournissant des ressources pédagogiques et en organisant des ateliers de formation.
  • Innovation technologique : encourager l’adoption de technologies innovantes tels que les systèmes de Gestion Technique du Bâtiment qui peuvent améliorer l’efficacité énergétique et faciliter la collecte des données.
  • Incitations financières : mettre en place des incitations financières pour encourager les investissements dans les rénovations énergétiques et les technologies propres. Les subventions, les prêts à taux réduit et les crédits d’impôt peuvent inciter les propriétaires et les gestionnaires de bâtiments à investir dans des solutions énergétiques plus efficaces (CEE, Prêt Eco-Energie, etc.)

 

Sanctions et conséquences pour les retardataires

Les entreprises et collectivités qui ne respectent pas les obligations du Décret Tertiaire s’exposent à plusieurs risques :

  • Sanctions financières : en cas de non-déclaration, les assujettis peuvent être sanctionnés à hauteur de 1500 euros pour des personnes physiques et 7500 euros pour des personnes morales.
  • Name and Shame : en cas de non-déclaration, l’État publiera la liste des assujettis non conformes sur un site officiel du gouvernement, ce qui peut gravement atteindre les performances économiques d’une entreprise.
  • Dévalorisation des actifs immobiliers : un bâtiment énergivore pourrait perdre en attractivité locative et en valeur financière, notamment dans un contexte où les investisseurs privilégient des actifs performants en matière de RSE.

Ces risques renforcent l’urgence pour les acteurs du secteur tertiaire de se conformer aux exigences du Décret Tertiaire et d’adopter des démarches proactives d’optimisation énergétique.

 

Les premières phases de déclaration OPERAT du Décret Eco Energie Tertiaire ont permis de dresser un état des lieux encourageant, mais elles ont aussi mis en évidence l’ampleur des efforts encore nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. À l’approche des premières échéances, notamment celle de 2030, il est impératif d’intensifier les actions afin d’accélérer la réduction des consommations énergétiques et de respecter les engagements réglementaires.

En structurant mieux la collecte des données et en mettant en œuvre des actions concrètes, les entreprises et collectivités pourront non seulement se conformer aux exigences du Décret Tertiaire, mais aussi optimiser leurs coûts et renforcer leur engagement environnemental. Pour y parvenir, des leviers tels que l’optimisation de l’exploitation des bâtiments, le déploiement de systèmes de gestion intelligente de l’énergie (GTB) ou encore la rénovation ciblée des postes les plus énergivores (isolation, éclairage LED, modernisation des équipements CVC) seront indispensables.

De plus, la généralisation des contrats de performance énergétique (CPE) et le recours aux énergies renouvelables (solaire, biomasse, géothermie) offriront des solutions durables pour accélérer la transition énergétique. Dans cette perspective, il sera crucial de privilégier des actions à retour sur investissement rapide afin de respecter les premières échéances et d’amorcer une dynamique de performance durable pour les années à venir.